Réaliser un moût
La réalisation d’alcool fermenté (mais non distillé) se déroule en plusieurs étapes.
La première est la réalisation d’une base, que l’on nomme le moût.
Ce n’est pas très compliqué : il suffit de presser des fruits (comme pour le vin) ou de réaliser une infusion (comme pour la bière).
Pour une infusion, nous préparons un mélange d’eaux : 2/4 d’eau minérale, 1/4 d’eau déminéralisée et 1/4 d’eau décantée, auquel nous pouvons ajouter des herbes, des plantes aromatiques, des céréales, des fruits…
Nous réalisons notre infusion à froid ou à chaud suivant les produits ajoutés, et le goût que nous souhaitons obtenir.
Vient ensuite l’étape qui consiste à sucrer (ou pas, cela dépend de la teneur en sucre de l’infusion de base ou si vous utilisez du malt qui sera transformé en sucre).
S’il s’agit d’un jus de fruits, il y a des chances pour que celui-ci soit assez sucré, sinon si nous ne sommes pas sûrs de nous, nous mesurons la teneur de sucre (exprimée en Brix) à l’aide d’un réfractomètre, ou d’un densimètre.
Petits détours mathématiques pour parler du volume d’alcool :
Certains densimètres donnent une valeur indicative du degré d’alcool après fermentation. Grâce à un petit calcul, il est possible d’estimer le volume d’alcool effectivement obtenu après la fermentation :
% Alcool.Vol effectif = % Alcool.Vol indiqué avant la fermentation – % Alcool.Vol indiqué à la fin de la fermentation
Vous pouvez également calculer le volume d’alcool après fermentation avec une formule simple, si vous avez fait quelques mesures de densité au préalable :
% Alcool.Vol = 133 x ((DI-DF) / DI)
avec DI = Densité initiale, et DF = Densité finale
Sinon, nous mesurons tout simplement le taux d’alcool avec un alcoomètre.
61 ° : concernant le réfractomètre, il existe des tablatures pour vous donner la quantité d’alcool que vous pouvez obtenir en fin de fermentation, par exemple un taux de sucre de 6,9 Brix donneront 12 % alcool en fin de la fermentation (si tout s’est bien passé), 3,45 Brix donneront 6 % grosso modo.
De la même manière, il existe des tablatures pour les mesure de densité et le rapport alcool souhaité, n’hésitez pas à chercher sur internet, en fonction de l’alcool que vous souhaitez réaliser.
Revenons à la pratique :
Si notre boisson n’est pas assez sucrée, dans le cas d’une infusion de plantes, d’un jus de légume ou d’un jus de fruit peu sucré, il nous faudra ajouter du sucre.
Nous pouvons choisir du miel qui à un bon pouvoir sucrant et apporte du goût, c’est le cas pour la fabrication d’hydromel (eau + miel), du cyser (jus de pomme + miel), ou du melomel (jus de fruits + miel), mais nous pouvons également apporter le sucre nécessaire avec des sucres fermentescibles (fructose, sucre de canne, glucose).
Une fois sélectionné notre agent sucrant, il va falloir l’intégrer.
Pour cela, nous faisons chauffer une petite partie de l’infusion ou du jus à une température de 60 °C et nous y ajoutons le miel ou le sucre, jusqu’à fonte complète (pour le miel, nous sommes parfois obligés d’écumer les résidus de cire).
Une fois le miel ou le sucre entièrement fondu, nous reversons le liquide sucré au reste du moût et nous mesurons le taux de sucre (il faut que la température du moût soit égale à 20°C).
À cette étape, nous avons le choix d’apporter des nutriments aux levures, avec morceaux de fruits ou de légumes, ou bien des sels de nutriment contenant notamment de sels minéraux et des vitamines comme l’acide ascorbique (vitamine C).
Voilà déjà une grande étape de faite dans cette préparation du moût.
Maintenant, nous allons nous attaquer au pH.
Nous allons abaisser le pH de notre préparation à une valeur comprise entre 3 et 5,6 (suivant ce que vous préparez) en ajoutant de l’acide citrique ou d’autres acidifiant et en mesurant à l’aide d’un pH-mètre ou de papier pH (si vous comptez réaliser régulièrement de l’alcool maison, optez pour le pH-mètre ce sera plus rentable).
Ceci a pour but de permettre aux levures de se développer sans concurrence dans un milieu qui leur est favorable et sans ajouter de sulfites.
Nous pouvons maintenant mettre notre mélange en bombonne (dame-jeanne) préalablement désinfectée ou en seau alimentaire (désinfecté également).
Le seau présente un énorme avantage lorsque celui-ci est muni d’un petit robinet en bas pour soutirer sans aspirer les levures mortes en fin de fermentation.
Il existe des cuves de fermentation de forme conique qui ont la même fonction qu’une goutte de décantage, c’est pas mal aussi et cela fera partie de nos futurs investissements.
Maintenant, nous n’avons plus qu’à oxygéner le moût à l’aide d’une pompe d’aquarium et d’un bulleur, ou mécaniquement en secouant énergiquement avec nos petits bras la dame-jeanne ou le seau (fermé bien sûr…). Ça marche aussi avec un bras plongeur pour faire rentrer un maximum d’air dans le liquide.
Voilà, on a fini avec l’étape du moût, passons tout de suite au pied de cuve.
Préparer un pied de cuve
Comme son nom l’indique (note de Claire : moi, je ne trouve pas, mais passons) nous allons ensemencer une petite quantité de notre moût avec des levures.
Certains appelle le pied de cuve : booster ou starter, ce qui semble un peu plus explicite.
Bref, nous allons soutirer de notre moût une petite quantité ( 5 % du volume total) que nous allons fortement oxygéner.
Nous calculerons la quantité de levure nécessaire à notre production (fiez-vous aux indications du fabricant qui doivent être présentes sur le paquet).
Et nous mettrons à réhydrater la levure dans 10 fois son volume de pied de cuve (attention la température du pied de cuve doit être à la même température que la levure), en prenant soin de filmer le récipient, pendant 30 minutes à 1 heure suivant les besoins.
Une fois la levure réveillée, nous oxygénons à nouveau le pied de cuve restant et y incorporons la levure, nous mélangeons et couvrons à nouveau pour une durée de 12 h à une température de 18 – 24 °C (suivant les levures).
Suivez les préconisations de la levure que vous utilisez, la température et le temps pour le starter dépendent du type de levure que vous avez sélectionné.
Certaines levures demandent plus de temps (48 h) pour se développer et pour atteindre une population suffisante pour permettre une fermentation optimale un fois le pied de cuve reversé dans le moût.
On peut améliorer la colonisation des levures en utilisant un agitateur magnétique lors de cette étape.
Une fois le starter (ou booster, ou pied de cuve) prêt, il ne reste plus qu’à l’incorporer au moût oxygéné (et oui ! Encore !), de fermer la dame-jeanne ou le seau et de mettre en place un barboteur pour permettre aux gaz générés par la fermentation de s’échapper sans laisser les impuretés entrer.
Pensez à faire coïncider la température du moût avec celle de votre starter, cela facilite le départ de la fermentation.
Laisser fermenter
Nous plaçons ensuite notre dame-jeanne au noir à une température de 18 – 24 °C (toujours suivant les levures), jusqu’à ce que l’activité du gaz qui s’échappe du barboteur soit inexistante, c’est la fermentation primaire, cela vous indiquera soit que toutes les levures sont mortes ou plutôt en sommeil (à cause du degré d’alcool par exemple, même s’il reste du sucre), soit qu’elles n’ont plus de sucre à consommer (c’est comme ça qu’on réalise un alcool sec), c’est souvent le cas.
61 ° : Il est possible de vérifier que la fermentation primaire est bel et bien terminée en mesurant la densité de sucre restant.
Si celle-ci reste stable pendant 2 – 3 jours et qu’il n’y a pas de bulles dans le barboteur, vous pouvez considérer cette étape comme terminée.
Vous pouvez aussi ressortir votre calculette :
Nous vous conseillons de calculer la valeur d’atténuation et de vérifier avec les données des levures que vous utilisez.
On calcule cela de la manière suivant :
Atténuation (%) = 100 x ((DI-DF) / (DI-1))
avec DI = Densité initiale, et DF = Densité finale
Bon, et maintenant que la fermentation primaire est terminée, on fait quoi ?
Nous laissons notre préparation au repos pendant une dizaine de jours, de manière à laisser les levures absorber les arômes désagréables créés lors de la fermentation primaire. C’est la fermentation secondaire.
Ensuite, nous soutirons le liquide en évitant au maximum d’aspirer les levures tombées au fond à l’aide d’un transvaseur.
Nous filtrons si nécessaire, notamment si nous avons utilisé des morceaux de fruit, de légume, ou des herbes.
Il est temps de mesurer la quantité de sucre restant et le taux d’alcool.
Si nous souhaitons obtenir un alcool non pétillant, nous pasteurisons l’alcool obtenu à une température de 70 °C pendant 13 minutes afin de stopper définitivement la fermentation.
Ensuite, nous laissons stabiliser 1 à 2 semaines avant de soutirer à nouveau et mettre en bouteille.
Si nous souhaitons un alcool pétillant, nous ajoutons du sucre fermentiscible (dextrose, glucose, fructuose, sucrose=saccharose…) afin de générer une fermentation supplémentaire appelée carbonatation, que nous réalisons en bouteilles prévues à cet effet (bouteilles de limonade ou de bière à bouchon en céramique et fermeture mécanique).
Cette étape permet de créer du CO2 ou dioxyde de carbone, qui va se dissoudre dans l’alcool et le rendre pétillant.
Il faut compter 15 jours pour la carbonatation.
Ce n’est pas une opération à prendre à la légère puisque une trop forte concentration en CO2 dans les bouteilles les feront exploser.
Pour cela, nous prenons le temps de calculer la quantité exacte de sucre à ajouter, en fonction du résultat que nous souhaitons : pétillant fort ou faible.
Le quantité de CO2 contenu par litre se mesure en Vol.CO2. Il existe une formule simple pour calculer la quantité de sucre à ajouter mais qui demande de connaitre la quantité de CO2 résiduel à l’issu de la fermentation.
En gros il possible de l’estimer du moment que vous connaissez la température lors de la première fermentation.
CO2 résiduel = 1,7 – 0,059 x T + 0,00086 x T²
Avec T = température de la fermentation primaire en °C (prenez la valeur maximale relevée pendant cette étape).
Maintenant, nous allons pouvoir calculer la masse de sucre à rajouter dans notre boisson.
Pour cela nous définissons la force de carbonatation que nous souhaitons :
Faible = 1 Vol.CO2
Standard = 2 à 3 Vol.CO2
Fort = 3,5 à 4,5 Vol.CO2
De là nous utilisons la formule suivante :
Masse de sucre (g) = CO2 final choisi – CO2 résiduel x volume d’alcool x 3,9
C’est simple non ?
Pour les allergiques aux maths, un petit tour sur Internet et vous trouverez des appli et des tablatures pour vous aider dans vos calculs.
Cette étape, nous la réalisons toujours sur un alcool dont les levures ont consommé l’intégralité du sucre présent lors de la fermentation, comme la bière par exemple.
Vient ensuite la phase de maturation de votre alcool :
Il faut laisser au minium un mois au repos avant de déguster votre breuvage.
Les problèmes qu'on a déjà rencontrés et autres petits trucs
Ici, on vous parle des difficultés déjà rencontrées.
En premier lieu : la température ambiante qui a ralenti le travail des levures ou qui les a tuées : elles n’ont pas aimé les 40 °C du mois de juillet, la première année que nous testions la fermentation alcoolique.
Du coup, nous avons réalisé une box avec du contre plaqué entièrement doublée de polystyrène à l’intérieur pour plus de stabilité.
Cette enceinte est munie qu’un système de chauffe couplé à un thermomètre, et de ventilateurs pour brasser de l’air frais couplé à un système de refroidissement, ce qui nous permet de garder une température adéquate.
Plus simplement (en mode 0 investissement) : il est possible d’utiliser un tapis chauffant pour garder une température correcte et hiver ou un vieux frigo débranché pour isoler l’été. 😉
Nous avons également eu des problèmes lors de la confection de mélomel (mélange de jus de fruit, miel et fruit) : l’activité était telle, que la dame-jeanne a débordé durant les premiers jours de fermentation !
Pour cela nous avons trouvé une parade simple : nous utilisons maintenant des seaux, ce qui nous permet non seulement de parer aux débordements intempestifs, mais également de faire plus de quantité à la fois.
Il est toujours plus facile de travailler avec de grosses quantités que sur des petits volumes.
Si vous rencontrez des soucis de levures restantes lors de votre soutirage, il est possible de clarifier le liquide à l’aide de gélatine, on appelle ce procédé le collage.
Il est possible, dans le but de stabiliser votre produit, c’est-à-dire mettre fin à la fermentation, d’utiliser des stabilisants qui sont en général des sulfites, mais nous ne vous le conseillons pas, nous vous indiquons ici à quoi ça sert, c’est tout.
Une dernière remarque que nous voulions vous faire : il est inutile de prendre des levures qui peuvent atteindre 20 % d’alcool comme les « turbo-levures », elles sont destinées à la production d’une base pour la distillation, et ne développent pas un goût très savoureux.
Pour conclure
On a fait le tour, enfin je crois, mais si on a oublié quelque chose d’important, n’hésitez pas nous le faire savoir dans les commentaires juste après l’article.
Si vous avez des questions, pareil ! Nous essayerons de vous répondre au mieux 🙂
On en a donc fini pour cette explication technique et pratique sur la fabrication d’alcool à la maison.
Et pour répondre à tous ceux qui nous ont posé la question : oui il va y avoir des recettes de différents alcools qui vont venir sur le site, nous voulions juste rédiger cet article avant, afin de vous faire comprendre les grandes étapes de réalisation de l’alcool fermenté.
C’est notre mode de préparation, que nous adaptons suivant les alcools que nous réalisons, mais il est possible que d’autres utilisent un modus operandi un peu différent.
En attendant, n’hésitez pas à faire une contribution sur notre page Tipeee, cela nous permet de dégager du temps pour écrire ce type d’article ou pour acheter du matériel pour nos recherches.
Je veux vous soutenir !
Salut 61 Degrés,