Les différents endroits dans le monde où l'on cultive le poivre
Vous n’êtes pas sans savoir que le poivre est une graine qui pousse en grappe récoltée sur des lianes qui poussent dans les climats tropicaux, chauds, humides et ombragés pour se développer pleinement.
Le poivre est cultivé principalement dans les pays de la ceinture tropicale, au Brésil (Belem), au Cameroun (Penja), en Inde (Tellicherry, Malabar, Pondichery, Kerala, Sri Lanka…), au Cambodge (Kampot, Mondolkiri…), au Vietnam, au Laos, en Malaisie (Sarawak, Bornéo…), en Indonésie (Muntok, Lampong, Java, Sumatra…), au Népal, en Éthiopie, au Congo, à Madagascar, en Colombie (Putumayo)…
Néanmoins, le Vietnam est le plus gros producteur mondial de poivre. Il fournit les poivres noirs et blancs les plus courants dans le commerce.
Viennent ensuite l’Inde, l’Indonésie, le Brésil…
Fin de la minute géographique 😉
Les différentes familles botaniques de poivre
Parfois nous entendons ou pouvons même lire le terme « poivre de Sichuan« , ou « poivre de Timut » sur certains sites ou livres de cuisine.
C’est un amalgame très répandu, mais pourtant incorrect, puisqu’il s’agit en l’occurrence de deux variétés de baies du genre Zanthoxylum, plus proches des agrumes (d’où leur parfum) que des lianes à poivre (du genre Piper).
Mais non, ce n’est pas une aberration, ce que nous sommes entrain de vous expliquer !
Pour faire simple : le poivre le plus connu est le fruit de la liane du Piper nigrum, c’est la plus cultivée dans le monde. On trouve des poivres issus de cette liane avec des appellations relatives à leur lieu de production : poivre de Madagascar, poivre de Kampot, poivre de Penja, poivre de Sarawak ou de Tellicherry….
Il existe également d’autres espèces de poivre comme le Piper longum ou poivre long cultivés à Java, au Bengal, à Jaborandi, à Kampot, au Népal… Le Piper capense ou poivre long de Timiz, le Piper cubeba ou Cubèbe de Java, Sumatra, Sri Lanka… Le Piper guineense ou bien encore le célèbre Piper borbonense : le poivre Voatsiperifery de Madagascar… puisque l’on dénombre pas loin d’une quarantaine d’espèces du genre Piper.
Chacun d’entre eux offre une palette de parfums et de saveurs très différentes en fonction de leur provenance et de leur terroir.
D’ailleurs, nous sommes déjà entrain de vous préparer 3 articles sur ces différents poivres pour vous faire découvrir toute l’étendue de leurs arômes et les différentes possibilités qu’ils apportent en cuisine.
Après les poivres viennent les baies épicées que l’on nomme trop souvent « poivres » mais qui n’en sont pas : baie de Timut, de Sichuan, baie rose, baie de Jamaïque… mais nous en parlerons dans un (ou plusieurs ? le sujet est vaste !) article qui leur sera spécialement consacré.
Les différentes couleurs du poivre
Une fois les différentes espèces de poivre passées en revue, il ne nous reste plus qu’à faire une rapide explication sur les différentes couleurs des poivres : vert, noir, rouge et blanc pour mieux comprendre de quoi il retourne lorsque souhaitez sélectionner un poivre.
Pour commencer, les 4 couleurs du poivre correspondent aux stades de maturité de la baie lorsqu’elle est récoltée, et le traitement qu’elle subit par la suite.
Le poivre vert
Il est récolté bien avant sa maturité, lorsque les fruits atteignent la taille souhaitée, maintenu à l’humidité puis séché rapidement par déshydratation ou lyophilisation pour préserver un maximum les arômes.
On peut le trouver également en saumure et parfois frais, mais c’est beaucoup plus rare car il est très fragile.
À défaut de poivre vert frais, il est préférable de choisir des poivres verts qui ont été lyophilisés, les arômes sont mieux conservés.
Ce sont des poivres doux, légers, fruités, suaves, résineux, et délicats, au piquant léger.
Le poivre noir
Il est récolté tout juste avant sa maturité, lorsque les baies de poivre sont passés d’une teinte verte à une teinte jaune.
Elles seront ensuite séchées pendant plusieurs jours, au soleil la journée et recouvertes la nuit de sacs de jute et de bâches, pour les préserver de l’humidité.
C’est pendant la nuit que la fermentation du poivre noir s’opère, ce qui va lui donner progressivement sa texture fripée et sa teinte brun noir.
Il sera ensuite lavé, trié et séché une seconde fois rapidement pour éviter un taux d’humidité trop élevé.
Il existe une autre méthode qui consiste à tremper quelques minutes dans l’eau chaude le poivre pour concentrer les arômes, avant de procéder au séchage/fermentation puis au tri.
Le poivre noir est le poivre le plus répandu, il bénéficie d’une grande palette de saveurs et est produit un peu partout dans le monde.
Il est intense et piquant à cause de la pipérine présente dans le péricarpe (enveloppe de la graine), ses arômes développent des notes boisées, florales, résineuses, épicées, mentholées, anisées, d’essences (térébenthines, acétone, fioul…).
Le poivre rouge
Il est récolté à sa pleine maturité, lorsque les graines sont devenues orangé rouge ou rouge cerise foncé, puis elles sont séchées au soleil après avoir été humidifiées à l’eau chaude pour fixer leur couleur.
Attention au poivre rouge qui présentent une couleur trop rouge : certains marchands n’hésitent pas à teindre leur grains de poivre rouge afin de leur donner une plus belle couleur, bien vendeuse, rouge cerise foncé, qui devrait pourtant être une couleur gage de qualité.
Malheureusement, il est très difficile de trouver du poivre rouge qui a atteint sa pleine maturité puisqu’il est récolté généralement plus tôt, lorsque le fruit est presque mûr, pour éviter des récoltes désastreuses, notamment à cause des pluies diluviennes comme en Inde, la récolte du poivre rouge correspondant à la saison de la mousson.
Ce sont des poivres très parfumés, voluptueux, qui développent beaucoup d’arômes dus au processus de dessication lent.
On retrouvera des notes pâtissières, lactées, caféinées, chocolatées, boisées, végétales, florales…
Le poivre rouge reste cependant piquant grâce à la présence du péricarpe.
Le poivre blanc
Le poivre blanc n’est pas un stade de maturation à part, c’est un poivre récolté à maturité (poivre rouge) à qui l’on a retiré le péricarpe (coque protectrice qui recouvrez la graine) après l’avoir trempé pendant parfois une dizaine de jours dans de l’eau.
Les grains sont ensuite triturés et vannés pour séparer l’enveloppe de la graine puis triés.
Ils seront ensuite séchés au soleil pendant une longue période de plusieurs jours à semaines, jusqu’à obtenir le séchage souhaité et une belle couleur crème, puisque le gains de poivre blanc s’éclaircissent lors du séchage.
Du fait du mode du processus long et coûteux pour obtenir un poivre blanc, certains marchands, comme pour le poivre rouge, n’hésitent pas à blanchir par procédé chimique les poivres pour obtenir une belle couleur blanche ivoire.
C’est le cas des poivres blancs que l’on retrouve généralement dans la grande distribution, qui sont blanc, voire même ivoire, mais surtout dépourvus de goût et de parfum.
Il est extrêmement dommage d’utiliser un telle procédé, déjà parce que les résidus de produits chimiques utilisés sont toxiques, et parce que les arômes si particuliers du poivre blanc sont perdus.
Le procédé de séchage long et traditionnel confère au poivre blanc des arômes très particuliers : animaliers, forestiers, fermentés, herbacés… doux et subtils, mais intenses.
Le poivre blanc est cependant moins piquant que les poivres rouges ou noirs en raison de la perte du péricarpe où réside la pipérine.
Comment reconnaître un bon poivre ?
Voyons la question qu’on ne manquera pas de nous poser :
Comment sélectionner / reconnaître un bon poivre ?
Les différentes qualités de poivres :
Il faut savoir tout d’abord qu’il y existe plusieurs qualités de poivres dans le commerce, mais aucun système de classification qualitative commun aux différents pays producteurs.
En Indonésie, on parle de asta, hand pick ou grade 1 pour les meilleurs poivres noirs, blancs et longs.
En Inde, on parle de TGESB, de TGEB et MG1 pour les poivres noirs, copiés par le VGESB du Vietnam.
À Madagascar de PN.
En Malaisie de Sarawak creamy white pepper et de cream et green label pour le poivre blanc, de Sarawak naturally clean black pepper, de brown et yellow label pour les poivres noirs.
Plus généralement, il est commun d’utiliser un système de grades allant de 1 (la qualité supérieure) à 5.
Tout d’abord les grands crus, si nous pouvons les appeler ainsi, ou grade 1, c’est la qualité la plus haute :
Cultivés avec passion, récoltés avec soin au bon moment, à la main, triés et séparés à la main également, calibrés, bien conditionnés et conservés.
Ce sont en général de gros grains en regard de leur variété, avec une bonne densité, d’une couleur homogène, présentant une riche palette de saveurs, qui ont été sélectionnés avec rigueur.
C’est le cas par exemple des IGP, AOP, et autres appellations d’origine.
Après la Roll’s Royce du poivre, il existe une qualité de grains un plus petits, le grade 2. C’est cette qualité que l’on rencontre le plus souvent lorsque l’on achète du poivre de qualité.
Ces poivres ont également été cultivés avec soin, récoltés et triés à la main, mais n’ont pas été retenus pour la première qualité : grains de couleurs moins homogène, densité moins élevée, taux d’humidité plus important… ce sont souvent des grains moins beaux, moins ronds, moins gros, mais ils sont tout aussi parfumés et intenses.
Vient ensuite la gamme des poivres récoltés rapidement, parfois de manière mécanique, plus ou moins mûrs, souvent pas assez, grossièrement triés, rapidement conditionnés pour être vendus rapidement.
Parfois même teintés par colorant (poivre rouge, poivre noir) ou blanchis par traitements chimiques, ou encore séchés par déshydratation sur des tables à chaleur tournante pour gagner plusieurs jours de séchage.
C’est généralement cette qualité de poivres que vous trouverez sur de nombreux marchés des pays producteurs ou sur nos marchés lorsqu’ils sont vendus en gros.
Mal triés, mal nettoyés, il n’est pas rare de retrouver des corps étrangers au fond du sac, des petits morceaux de branche, de feuilles et pas mal de poussière…
On trouve également sur le marché une autre qualité de poivre, aux grains souvent chargés de poussière (c’est la poussière qui pique le nez), ce sont très souvent des poivres beaucoup trop vieux pour être commercialisés et qui sont vendus en vrac comme déclassés.
Leurs arômes sont passés et la péricarpe qui entourait le grain de poivre noir, vert, rouge s’est émiettée (et constitue une part de la poussière piquante autour des grains, même si une autre part provient souvent d’un lavage insuffisant).
Vient ensuite la pire des qualités à nos yeux : les poivres moulus, que certains appellent poivre gris.
Premièrement parce qu’un poivre une fois moulu se conserve très mal, il s’oxyde et perd ses arômes trop vite. Secondement parce que c’est dans le poivre moulu que l’on trouve les pires mélanges : poivres de mauvaise qualité, non triés, mixés avec les branches, les feuilles, autres baies piquantes, et tout ce qui peut augmenter le poids…
Le poivre gris est donc à proscrire de votre cuisine par définition, même pour gagner du temps.
Une fois ces différentes qualités en tête, vous pourrez vous y retrouvez un peu plus au moment de faire votre choix.
N’hésitez pas à demander le grade, ou la notation, du poivre que vous voulez acquérir
Le mode de conservation :
Vient ensuite une autre notion importante, mais qui pour certains n’a aucune valeur, et nous avons malheureusement pu nous en apercevoir.
C’est le mode de conservation du poivre.
Nous avons tous l’image en tête, dès que l’on parle de poivres ou d’épices, de ces vendeurs d’Inde qui exposent des sacs complets ouverts aux yeux des touristes, attirés par la certitude de la qualité des produits proposés.
Eh bien c’est tout le contraire : des épices mal stockées, exposées à l’air, à la lumière et à la chaleur, n’ont jamais fait bon ménage avec la conservation des arômes. Cela donne plutôt des poivres éventés, passés… voire même irritants.
Alors nous commencerons par ce conseil lors de l’achat de poivres, que ce soit en boutique, sur internet ou sur un marché :
Observez le mode de stockage, cela vous en dira long sur l’intérêt du vendeur pour sa marchandise.
Une boite, un sceau hermétique, en métal ou en matière de norme alimentaire, des sacs parfaitement étanches et opaques feront de bons emballages.
Mais passez votre chemin lorsqu’on vous vend des épices dans un simple sac en plastique zippé, ou pire encore fermé avec une agrafe ou un joli cordon.
Ces contenants ne sont pas du tout adaptés à la conservation des poivres.
Le top en matière de conservation, restera toujours le sous vide entreposé à l’abri de la lumière et de la chaleur.
Attention également au temps de stockage avant votre achat.
Plus le marchand aura gardé en stock le poivre que vous allez acquérir, plus il aura perdu de ses qualités organoleptiques.
Votre culture organoleptique
Viendra ensuite votre propre connaissance organoleptique des poivres pour vous faire une idée de la qualité proposée.
Pour vous aider dans votre découverte des parfums et des saveurs du poivre, nous avons mis au point un processus de dégustation que nous expliquons dans notre article « Comment goûter le poivre« , qui sera bientôt disponible sur le site dans la rubrique Technique.
Un bon poivre en 10 secondes :
Alors si nous devions résumer rapidement comment reconnaitre un bon poivre, nous vous dirions juste ceci :
Le vendeur doit avoir pris soin de sélectionner de beaux grains, d’une belle taille, d’un bel aspect (sans poussière, de teinte plaisante), le plus homogènes possible, récoltés au bon moment, ne contenant pas de débris, d’une odeur enivrante (pas fade, délaver ou poussiéreuse… et encore moins chimique !), son goût doit être à l’image de son nez (frais, dynamique, subtile, intense… il ne doit pas être rance, huileux…), et il aura pris soins de préserver un maximum les arômes de ces baies avec un packaging adapté.
Le mot de la fin
Voici la fin de notre 1 ère part sur les poivres, nous espérons que cet article général vous à plu, n’hésitez pas à le partager 😉
Notre seconde partie portera sur la meilleur manière de déguster un poivre ou une épice.
Et notre troisième partie et quatrième partie traiteront des Piper nigrum produits à travers le monde, ou tout du moins d’une portion de cette espèce qui méritera 2 articles complets pour vous en parler un peu plus : leur goût, leur nez, leur piquant, comment les utiliser avec ou dans quel plat… suivant leur provenance, Sri Lanka, Colombie, Inde, Cambodge, Indonésie, Congo…
Nous voulions remercier tout particulièrement Soline de Terre Exotique, Amélie de Mes Épices et Benjamin de L’île aux épices, qui se sont joints à nous comme partenaires et nous ont permis de réaliser l’ensemble des articles sur le poivre.
Salut 61 Degrés,