Pourquoi saisir la viande avant cuisson ?
La raison la plus souvent avancée, et qui justifie pour de nombreuses personnes une saisie de la viande avant cuisson est que la réaction de Maillard est censée garantir que le jus de cuisson ne sortira pas de la viande lors de la cuisson afin de la garder tendre.
Cette explication, pour nous, est incohérente dans le process de cuisson basse température et encore plus sous vide.
Nous voulons bien admettre que dans le cas d’une cuisson au four, cela peut éventuellement ralentir l’extraction des liquides contenus dans les muscles, mais il faut comprendre que ce n’est pas tant le fait d’avoir une croûte extérieure dure qui intervient dans la perte ou non de liquide de la viande, mais beaucoup plus la rétractation musculaire, sous l’action de la température, qui favorise l’expulsion les fluides.
Alors pour nous, saisir la viande puis la perforer à l’aide d’une aiguille à brider ou d’un attendrisseur Jaquard désinfecté, histoire de ne pas faire pénétrer une quelconque contamination à la surface de la viande ou sur l’aiguille jusqu’au cœur du muscle (idem pour la sonde de température) est plus utile, puisqu’en perforant les muscles de part en part, tout les 5 mm, vous vous assurez que ceux-ci ne pourront pas se rétracter pendant la cuisson, et donc ne pourront pas expulser leur liquide vers l’extérieur.
Cette technique permet d’obtenir des viandes succulentes, qui délivreront le jus qu’elle ont gardé précieusement au sein de leur fibre à chaque mastication ( ce qui les différencie des viandes juteuses qui elles ne laissent échapper qu’un peu de jus).
… Mais nous dévions du sujet de la saisie avant cuisson.
Pour nous, plusieurs facteurs peuvent vous décider à saisir avant cuisson basse température.
Le premier facteur est certainement le côté hygiène.
Si vous n’êtes pas certain qu’il n’y a pas eu de contaminations croisées, ou que votre viande (poisson, légumes…) n’est pas totalement irréprochable, dans le cas par exemple de gibier sauvage, il est préférable d’effectuer une saisie sur toutes les faces avant mise sous vide, ce qui vous garantira une viande clean à l’extérieur.
Le second facteur qui peut vous pousser à faire le choix de la saisie avant cuisson est le fait que la réaction de Maillard apporte un certain goût non négligeable, qui va se transférer progressivement dans la viande, sur une couche de quelques millimètres, et ainsi renforcer la saveur Umami (goût délicieux).
Le troisième facteur, comme nous l’avons dit un peu plus haut, est le fait de choisir d’utiliser une sonde de température placée au cœur du produit pour pouvoir arrêter la cuisson lorsque la température à cœur est atteinte.
Là aussi, nous allons faire un petit aparté très rapide, mais au vu de ce que l’on entend et lit, ce ne sera pas superflu.
Tout d’abord nous aimerions que vous preniez en compte qu’un couple température à cœur + temps de pasteurisation est beaucoup plus adapté qu’un stoppage immédiat de la cuisson dès la température à cœur atteinte qui ne garantit en rien la sécurité sanitaire du produit.
Par exemple nous savons depuis longtemps que les salmonelles ne se multiplient plus à partir d’une exposition à une température de 49 °C, elles commencent à mourir, mais qu’il faut pour réduire la quantité de bactéries responsables de maladie alimentaire dans un produit contaminé, maintenir celui-ci pendant une certaine période… De ce fait, nous savons que lorsque nous utilisons une cuisson à 50°C, température à cœur atteinte, il nous faudra un maintient d’au moins 7 heures pour pasteuriser correctement la viande, avant de la choquer à froid si nous souhaitons la conserver.
Alors pourquoi continuer avec des notions d’enceinte de cuisson à des température très élevées : 64 – 70 ou même 84 °C comme nous avons pu le lire dans certaines préconisations sanitaires, dans certains propos tenus sur les groupes de cuisine, ou même dans certains sites sur la cuisine basse température sous vide ou magazines spécialisés ?
… Tout cela pour sortir le produit dès la température à cœur atteinte, sans prendre en compte le temps de pasteurisation…
Quel en est l’intérêt ?
Avoir une viande trop cuite sur la majeure partie du morceau, un cœur à la température souhaitée, mais non pasteurisé ?
Heureusement que le corps humain est résistant et que les progrès en terme d’élevage, de vaccinations, de traitement, de suivi, de traçabilité ont mis fin ces 15 dernières années à de nombreux problèmes sanitaires, grâce à une meilleure qualité de production.
Mais revenons à notre problème de sonde à cœur…
En effet, c’est un facteur de risque.
Le fait de perforer la fibre entraine la possibilité de faire entrer un agent pathogène dans un muscle hermétique et sain, ce qui pourrait poser quelques problèmes sanitaires, et c’est d’autant plus vrai avec les systèmes d’attendrissage par perforation, qui multiplient le nombre de perforations et donc de points d’insertion des contaminations.
Nous vous conseillons donc d’utiliser une saisie de la surface pour décontaminer la viande, et de désinfecter votre sonde ou attendrisseur avant de l’utiliser.
Pourquoi saisir la viande après cuisson ?
C’est une question qui revient souvent également, et où nous avons pu lire ou entendre que « saisir la viande après la cuisson c’est bien mieux pour la Cuisine » (sic).
Alors permettez-nous d’être sceptiques à l’annonce de tel arguments scientifico-gastronomiques… Non pas que nous remettions en compte votre avis, bien au contraire, mais comprenez que cela ne nourrit pas notre réflexion, ni même notre soif de connaissances.
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas non plus une mauvaise pratique de saisir la viande après cuisson.
La première raison est qu’une fois la viande cuite sous vide, celle ci sera souple, ce qui n’est pas du goût de tous les consommateurs loin de là et vous le savez très bien.
Qu’elle ait été saisie avant ne changera pas grand chose à sa texture extérieure finale.
C’est pour cela que nous préconisons souvent une saisie après cuisson lorsque vous avez sorti la pièce de viande et l’avez bien épongée.
Mais passez donc faire un tour sur notre article « bien saisir une viande après cuisson sous vide« , on vous en dit un peu plus sur le sujet.
L’avantage de cette technique, c’est qu’elle permet d’obtenir une fine couche plus dure et croustillante sur l’extérieur de la viande… Attention c’est pas une chips non plus 😉
La seconde raison va se trouver du côté de l’hygiène, puisque si vous n’avez pas choisi de saisir la viande avant sa cuisson, certains pathogènes ont pu se développer, et ils sera de bon ton de ne pas les laisser à la surface de la viande.
Petite réflexion : ces pathogènes n’étaient peut être même pas présents à la surface de la viande, mais sur les mains ou ustensiles qui ont manipulé le sac ou la viande pour la mettre sous vide, ce qui fait que la saisie avant cuisson n’aurait pas changé grand chose au problème.
La troisième raison serait de conférer un goût supplémentaire, comme nous l’avons expliqué avec la coloration avant cuisson : vous pouvez également apporter ce goût propre à la réaction de Maillard à votre morceau de viande.
Vous pouvez même, suivant le mode de saisie utilisé, apporter d’autres saveurs : au chalumeau au gaz Mapp par exemple, vous allez conférer un petit goût façon barbecue si vous insistez un peu sur la surface de viande à colorer.
Pourquoi ne pas utiliser les deux techniques ?
Et oui, pourquoi ne pas utiliser les deux techniques, qui finalement à bien y repenser couvriraient tous les aspects : gustatif, texture, et hygiène ?
La saisie avant cuisson pour apporter le bon goût de la réaction de Maillard, et pour tuer une majorité des formes de pathogènes sur la surface…
Et la saisie après cuisson, pour obtenir une viande appétissante, et re-décontaminée (juste au cas où).
C’est ainsi que nous avons procédé dans notre recette de rôti de porc à l’ail noir.
Bilan ?
Vous l’aurez compris : il n’y a pas de réponse unique sur la question de la saisie avant ou après cuisson.
C’est à chaque chef, gourmet, épicurien… de choisir en fonction du degré de sécurité des produits qu’il a en mains, en se rappelant que nous consommons du bœuf cru ou des légumes crus qui sont tout aussi dangereux en terme de contamination sanitaire (si ce n’est pas plus, puisqu’ils ne sont pas soumis à une cuisson), qu’une viande cuite à basse voire à ultra basse température.
Mais tous devront également faire leur choix de technique par rapport au rendu final qu’ils attendent pour le consommateur, le client ou les convives.
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Salut 61 Degrés,